Le 28 mai dernier, une journée spéciale a été organisée pour le projet TeachInSTEAM (sciences, technologies, ingénierie, art et mathématiques). Cet événement marquant s’est articulé en deux temps forts : une matinée de mise au vert dédiée aux membres du comité de rédaction du guide méthodologique, suivie d’un après-midi de rencontres entre le monde de l’entreprise et celui de l’enseignement. Au programme de l’après-midi : des conférences axées sur les compétences transversales et le networking.

Une matinée au vert

La mise au vert a rassemblé l’ensemble des membres du comité de rédaction, incluant rédacteurs, relecteurs et experts. Cette matinée a été riche et variée, avec des guidances et des interventions sur différentes thématiques : l’intelligence collective, la communication inclusive, les biais de genre et l’approche orientante.

L’intelligence collective : différents rôles qu’on peut avoir dans un groupe de travail

Pierrick Lust, conseiller pédagogique au SeGEC, a ouvert la matinée en invitant les participants à explorer les facettes de l’intelligence collective et les rôles variés au sein d’un groupe de travail. Pierrick a souligné que « les perceptions varient d’un individu à l’autre, ce qui constitue une richesse pour l’intelligence collective. Chacun enrichit le travail collectif en fonction de ses valeurs, de ses apports et de sa disponibilité, illustrant l’adage selon lequel deux idées sont plus riches qu’une seule ».

Pour matérialiser cette approche, Pierrick a utilisé la métaphore de l’éléphant : chaque personne touche une partie différente de l’animal, ayant ainsi une perception unique. En partageant leurs perceptions, chacun apporte une valeur ajoutée que les autres n’ont pas. « Si deux individus échangent une idée, chacun repart avec au moins deux idées », a-t-il rappelé en citant Thomas Jefferson. Pierrick a également encouragé les membres à adopter une posture de COACH, favorisant un esprit ouvert et positif, attentif aux autres et à leurs besoins. Cette approche requiert également un cadre bienveillant pour faciliter l’évolution collective.

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L’importance de la communication inclusive

La deuxième intervention, animée par Selma Bellal, personne de contact genre pour la promotion sociale au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles, portait sur la communication inclusive. Selma a mis en lumière l’importance de contrer les stéréotypes de genre dans la communication et a présenté des recommandations légales visant à promouvoir l’égalité et à réduire les inégalités systémiques. Parmi ces recommandations figurent la diversité des représentations des individus sur les photos, des communications équilibrées et l’évitement des connotations usuelles liées aux couleurs, aux vêtements ou à la posture.

Les biais de genre et retour d’expérience d’une marraine « Elles Bougent »

Maryse Colson, représentante régionale de l’association « Elles Bougent », a ensuite présenté les biais de genre. Les données qu’elle a partagées montrent que la représentation des femmes dans les STEM est complexe : si l’on compte environ 28-29 % de femmes ingénieures au niveau mondial et 35 % en Europe, en Belgique, 44 % des scientifiques et ingénieures sont des femmes. Cependant, après la maternité, de nombreuses femmes quittent leurs emplois autour de 35 ans, limitant ainsi leur présence dans les conseils d’administration.

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Anne-Gaëlle Defachelles, marraine de l’association « Elles Bougent » et ingénieure soudeuse internationale, a corroboré ces chiffres avec son témoignage personnel. Elle a évoqué les défis rencontrés en tant que femme dans un milieu à prédominance masculine, soulignant l’importance de combattre les stéréotypes de genre dès l’école primaire. Selon elle, les stéréotypes de genre persistent dans le secteur des STEM et les obstacles rencontrés dans ces milieux professionnels découragent les femmes à poursuivre des carrières dans ces domaines.

« J’ai été assez rapidement cheffe d’équipe, mais souvent on me prenait pour la secrétaire. J’ai dû m’arrêter 4 et 6 mois pour mes enfants, travailler à temps partiel. Je n’ai jamais rencontré de difficultés dans ma fonction de manager. Quelques petites remarques durant les réunions (où je suis la seule femme) : « bonjour messieurs », « qui fait le rapport de réunion », « qui fait le café » (moi, sans doute, pensaient-ils). »

Elle constate que beaucoup de stéréotypes de genre circulent dès l’école primaire. Anne-Gaëlle a vu le plafond de verre (trop gentille, trop dans les émotions, etc.). « Un manager doit cogner du poing sur la table », entendait-elle… « Mais ce n’est pas mon style. Chaque année, la grande réunion des cadres avait lieu le jour de la rentrée des classes, ou des réunions à 18h… Ce sont des petites choses qui découragent les femmes. »

Déconstruction des biais de genre

Les interventions de Maryse Colson et d’Anne-Gaëlle Defachelles ont débouché sur un moment d’échange fructueux portant sur deux aspects majeurs du projet : les biais de genre dans le monde de l’entreprise et dans l’enseignement. Il a été souligné que des aménagements raisonnables, tels que des vestiaires et des sanitaires spécifiques ou des uniformes adaptés, sont essentiels pour faciliter l’intégration des femmes dans des secteurs majoritairement masculins.

De même, dans le domaine de l’enseignement, il est crucial de valoriser les filières STEM dès le plus jeune âge. De nombreuses études montrent que l’enseignant joue un rôle central dans la trajectoire des élèves. Il est donc primordial de permettre aux jeunes filles de s’imaginer dans des carrières STEM.

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L’orientation positive dès le plus jeune âge

Gaétane Cambier, cheffe de projet pour l’asbl Synfora, a insisté sur l’importance de l’information dès le plus jeune âge. Selon elle, peu d’enfants en fin de primaire sont informés des différentes voies et métiers possibles. La matinée s’est clôturée par une exploration de l’approche orientante dans le système éducatif, qui tend à orienter les élèves vers des filières spécifiques. Gaétane a rappelé que la remise en question des stéréotypes est une responsabilité collective qui concerne les élèves, les parents, les grands-parents et les enseignants.

Déconstruire pour mieux reconstruire

Il en va également de notre responsabilité sociétale de prendre conscience de l’image que nous renvoyons à propos des différentes professions. Chacun de nous, par ses préjugés, qu’ils soient positifs ou négatifs, influence la perception que les autres ont de ces métiers. Les biais de genre ne se limitent pas à la sphère éducative, mais s’étendent aussi à la vie privée.

Pour encourager une plus grande inclusion dans les filières STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques), il est indispensable de promouvoir une image positive de ces domaines. Nos aspirations professionnelles sont souvent façonnées par des facteurs idéologiques, sociaux, économiques et familiaux. Le genre joue un rôle primordial dans les STEM, où l’intériorisation des rôles traditionnels est encore très marquée.

La transgression de ces rôles est souvent perçue de manière négative, surtout pour les hommes, car le conformisme de genre leur est généralement plus favorable. Certaines filières sont plus valorisées en fonction du genre. Il est crucial de prendre en compte les notions d’intersectionnalité pour aborder ces questions de manière efficace. L’intersectionnalité permet de comprendre comment différents aspects de l’identité (genre, origines, classe sociale, etc.) interagissent et influencent les expériences individuelles.

Il est également important de favoriser des contacts réguliers et systématiques avec des modèles positifs (travail de terrain réalisé par les associations Synfora et Elles Bougent), afin de permettre une affirmation identitaire valorisante et réaliste.

Cela ne doit pas se limiter à des interventions ponctuelles durant le parcours scolaire. Il ne suffit pas d’être l’exception qui confirme la règle ; il faut travailler à déconstruire cette règle tout au long de l’apprentissage pour que l’inclusion (dans son sens large) devienne la norme. Promouvoir des exemples positifs de manière continue est essentiel pour que petites filles et petits garçons puissent se projeter dans des carrières qu’ils et elles désirent, et ce, quels que soient leur genre, leurs origines, leur classe sociale ou leur condition.

Une après-midi dynamique 

L’EPHEC a également accueilli une après-midi dynamique de rencontres entre les acteurs de l’enseignement et du monde des entreprises, centrée sur les compétences transversales. Cet événement visait à créer un espace de dialogue et d’échanges sur l’importance des compétences STEAM (Sciences, Technologie, Ingénierie, Arts et Mathématiques) dans le monde professionnel actuel, ainsi que leur intégration dans les parcours de formation. Directions et enseignants d’établissements d’enseignement supérieur et de promotion sociale, responsables et représentants d’entreprises et de secteurs divers étaient présents pour enrichir les discussions.

Les travaux ont débuté avec les interventions inspirantes de Laurence Gustin, responsable de projet chez AKT for Wallonia (UWE), et Muriel Deflandre, responsable RH chez Klinkenberg SA. Elles ont dynamisé la collaboration entre entreprises, avec pour objectif commun de se faire connaître et de présenter les métiers techniques aux futurs enseignants.

Ensuite, Julie Henry, doctoresse en informatique et cheffe de projet STEAM à l’UNamur, a défini l’approche STEAM adoptée dans le cadre du projet ainsi que ses enjeux dans le domaine de l’éducation et de l’approche orientante. Elle a mis en lumière la pénurie existante dans certains secteurs des STEM et les inégalités de genre qui apparaissent au fur et à mesure des parcours de formations.

Puis, Sébastien Cosentino, senior Manager chez Randstad Group, a livré un témoignage axé sur les contours du terrain de jeu dans lequel les entreprises gravitent, à savoir le marché du travail. Selon plusieurs études menées par Randstad, un travailleur cherche actuellement plus de mobilité professionnelle. L’attractivité et la fiabilité devient donc complexe pour les employeurs. Ces derniers tentent de répondre aux besoins de développement et de formations en hard skills et en soft skills exprimés par les travailleurs. Sébastien Cosentino a ensuite mis l’accent sur l’impact grandissant de l’IA sur le marché du travail et son lien avec la nécessité de développement des compétences transversales.

Par la suite, Jeny Clavareau, directrice de l’enseignement pour adultes au Segec et Oleg Lebedev, docteur en philosophie et conseiller qualité au Segec, ont proposé un exercice d’identification et de traduction des compétences STEAM-clé pour l’emploi sous la forme d’un atelier de réflexions interactives. Les objectifs étaient de sortir de la logique de silos enseignement et entreprise, d’adopter collégialement un langage commun relatif aux compétences transversales et aux STEAM et de développer un outil commun aux acteurs-clés des entreprises et au monde de l’enseignement. Une fois les différents témoignages et besoins échangés, les animateurs ont pu dégager les nombreuses compétences essentielles à travers l’octogone des compétences transversales.

Pour conclure, Cécile Neven, CEO chez AKT for Wallonia (UWE), a appuyé les préoccupations de développement des compétences transversales, indispensables sur le marché du travail mais également dans l’exercice de la citoyenneté, et de revalorisation des filières STEM.

« Les compétences transversales sont essentielles pour le marché du travail comme déjà mentionné, mais pas seulement. Elles sont essentielles pour exercer notre citoyenneté de manière alerte en comprenant les enjeux dans lesquels nous évoluons : enjeux économiques, sociaux, environnementaux, éthiques, démocratiques. »

Cécile Neven, CEO d’AKT for Wallonia (UWE)

Cécile Neven a mis en lumière les besoins d’existence de ponts et de langage commun entre les entreprises et l’enseignement au sens large. Vinciane De Keyser, directrice pour l’enseignement supérieur au Segec, a ajouté à ces propos une notion d’instauration de valse en trois temps entre les deux mondes. Cette valse serait composée de moments de rencontres, de moments de considération des intérêts communs et de moments de dialogues sous un langage commun pour une meilleure harmonisation.

Cette demi-journée a été ponctuée de moments conviviaux où les participants ont pu échanger leurs impressions et opinions autour d’un café. Riche en enseignements, cette rencontre a constitué un premier pont entre le monde des entreprises et celui de l’enseignement, s’inscrivant parfaitement dans le cadre du projet. D’autres rencontres suivront prochainement, centrées sur de nouveaux intérêts communs, favorisant ainsi la création et l’entretien de réseaux dynamiques.